Rétention des données de santé : rapport de la mission Marchand-Arvier

La mission Marchand-Arvier sur l’utilisation secondaire des données de santé a rendu son rapport en décembre aux Ministres de l’ESR, de la santé et de l’économie.

Je ne l’ai pas vu discuté dans les milieux de la science ouverte ou de la gestion des données de recherche, on y trouve pourtant des informations édifiantes. Je vous épargne les constats assez critiques sur le Health Data Hub pour me concentrer sur les données hors Health Data Hub (donc les entrepôts de données de santé, les données des cohortes ou des registres, etc.), avec cet extrait :

Si l’ensemble des producteurs de bases de données interrogées par la mission affirment adhérer au principe d’ouverture et de partage des données qu’ils détiennent au service de la recherche en santé, la mission constate que ce principe coexiste avec une réalité plus nuancée, qui va parfois jusqu’à une réticence dans les faits à l’ouverture et au partage de données.

Un des éléments le plus mis en avant est le rappel que les bases de données ont été constituées par des équipes souvent au prix d’efforts considérables, notamment pour obtenir des financements (par exemple s’agissant des cohortes, cf. partie 1.2.3.2). Compte tenu des difficultés rencontrées dans la constitution de ces entrepôts ou cohortes, les producteurs de données restent attachés au « retour sur investissement » de ces efforts. Ils entendent en quelque sorte pouvoir « garder la main » sur la définition des conditions de la valorisation scientifique et économique de leurs bases de données.

Certains, craignant probablement une perte en termes d’opportunités de publications et, par suite, de conséquences potentielles sur les crédits liés aux SIGAPS, vont jusqu’à réclamer une forme d’embargo, qui consisterait à réserver temporairement l’exploitation des données de leurs bases à leurs équipes internes, préalablement à l’ouverture de ces bases à d’autres acteurs. La Fédération des hôpitaux de France appelle ainsi à cet égard à « protéger l’intérêt des établissements de santé publics qui doivent être les premiers bénéficiaires de leurs données ».

Signe que la culture du partage des données nécessite un temps d’appropriation, l’AP-HP indique que, pour l’heure, tout projet de recherche requérant un accès aux données de son entrepôt doit être réalisé en partenariat avec un médecin de l’AP-HP, lequel sera d’ailleurs porteur de l’instruction de la demande devant le comité scientifique et éthique de l’institution, cet élément ayant été, à l’époque de la création de l’entrepôt de données de santé de l’AP-HP, été indispensable pour fédérer la communauté hospitalière autour du projet. La mission peut entendre voire comprendre ces réticences au partage, qui sont tant le fait des acteurs « de terrain » (cliniciens, chercheurs) que des institutions qui mettent en place et exploitent les infrastructures. Mais la mission ne peut que constater les conséquences très négatives de tels obstacles au partage : en réalité, la situation est « perdante - perdante ». Perdante pour chacun des acteurs ou des chercheurs, qui se privent des opportunités créées par l’accès facilité à d’autres bases des données. Perdante globalement pour la science, la recherche et in fine l’amélioration des soins, car la limitation du partage des données génère moins de recherche et moins de création de valeur scientifique, avant même la création de valeur économique. De telles réticences apparaissent en tout état de cause difficilement tenables dans la perspective de la mise en œuvre du projet de règlement EHDS dont l’article 33 consacre l’obligation pour tout détenteur de données électroniques de les mettre à disposition à des fins d’utilisation secondaire.